Paris, novembre 1929 : les «Années folles» s'achèvent. Dans sa chambre d'une maison de désintoxication, un jeune homme se tire une balle dans le cœur. C'est Jacques Rigaut ; le plus beau, le plus radical des dadaïstes, Ce non-conformiste absolu avait prévenu : «Essayez, si vous le pouvez, d'arrêter un homme qui voyage avec son suicide à la boutonnière.» Tous ses amis écrivent, photographient, tournent des films : ils s'appellent René Clair, André Breton, Paul Éluard, Pierre Drieu la Rochelle, Man Ray ou Tristan Tzara. Lui, en dandy désinvolte, ne laisse que quelques fragments et des dettes. Après son mariage avec Gladys Barber, une riche héritière américaine, il vit quelque temps à New York. C'est en passant à travers un miroir, dans une villa de Long Island, qu'il fait la connaissance de son double littéraire : Lord Patchogue.
De retour à Paris, brisé, Rigaut se perd dans les nuits du Bœuf sur le toit, la drogue, l'alcool et les femmes. Personne ne parvient à sauver le fondateur de l'«Agence générale du suicide». Des années plus tard, André Breton lui rend hommage dans son Anthologie de l'humour noir. Mais c 'est surtout Drieu la Rochelle et Louis Malle qui le font entrer dans la légende : Le Feu follet, c'est lui. Rigaut n'est pas mort ; il hante toujours les avant-gardes et la contre-culture des deux côtés de l'Atlantique.
À ce «suicidé magnifique» disparu à l'âge de 30 ans, dont Gallimard a publié les rares Écrits en 1970, Jean-Luc Bitton consacre pour la première fois une biographie monumentale. Fruit de quinze années de recherche, illustrée de nombreuses photographies et de documents inédits, cette somme se lit comme le grand roman des «Années folles» et de la «génération perdue».